Crise sanitaire et réduction des loyers commerciaux, qu’en est-il ?
Etude Junker |
Il est indéniable que les mesures de restrictions adoptées par le gouvernement en vue d’endiguer la propagation du virus de la COVID-19 sur le territoire du Grand-Duché du Luxembourg, en particulier la fermeture des établissements recevant du public et la suspension des activités culturelle, sociale et sportive, ont eu un impact dramatique sur l’économie du pays (encore aujourd’hui).
Pour bon nombre de commerçants, le paiement des loyers est devenu une charge dont ils ne pouvaient malheureusement plus s’acquitter, faute de pouvoir rouvrir leurs établissements, si bien que les actions en justice pour paiement des arriérés de loyers ont fortement augmenté depuis la fin de l’année 2019.
Dès lors, le commerçant qui s’est vu contraint de fermer son établissement sur décision du gouvernement peut-il être dispensé du paiement de son loyer pendant les mois où il n’a pas pu ouvrir ?
Si les tribunaux luxembourgeois ont, dans un premier temps, admis qu’un locataire puisse être délié de ses obligations envers son bailleur, y compris le paiement du loyer et autres charges inhérentes à l’exploitation des lieux pendant toute la période où il n’a pas pu utiliser le bien loué dans les conditions prévues par le contrat de bail (Justice de Paix de Luxembourg, 29 juillet 2020, n°2051/20 ; Justice de Paix de Luxembourg, 13 janvier 2021, n°94/2021 ; Justice de Paix de Luxembourg, 14 janvier 2021, n°124/21 ; Justice de Paix de Luxembourg, 21/01/2021, n°204/21 ; Justice de Paix de Luxembourg, 4 février 2021, n°376/21 ; et Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 8 décembre 2020, n°TAL-2020-03617 du rôle), ils ont, depuis lors, changé leur fusil d’épaule.
Les décisions d’appel récentes rendues en la matière marquent, en effet, un changement total de paradigme : les juges considèrent que les loyers restent dus car les mesures sanitaires mises en place par le gouvernement ne frappaient pas l’immeuble donné en location en tant que tel, mais bien la ou les activité(s) qui y sont menée(s) par le locataire (Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 30 mars 2021, n°TAL-2020-09641 du rôle), mais ils doivent être néanmoins revu à la baisse (Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 28 juin 2021, n° TAL-2021-02457 et TAL-2021-02480 du rôle ; Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 28 juin 2021, n° TAL-2021-00994 du rôle). Les juges ont, en effet, estimé qu’il serait contraire au principe d’exécution de bonne foi des conventions de laisser seul le locataire supporter les conséquences dommageables de cette situation exceptionnelle, à plus forte raison si le bailleur s’est montré « aveugle à la situation de son contractant ».
Si la Cour de cassation luxembourgeoise ne s’est pas encore prononcée sur la question, la Cour de cassation française a, elle, mis fin aux débats dans trois décisions récentes en considérant que les loyers étaient dus par les locataires pendant les périodes de confinement (Cour de cassation fr., 3ème ch. civ., 30 juin 2022, n°21-20.190, Sté Action France c/ Sté Foncière Saint-Louis ; Cour de cassation fr., 3ème ch. civ., 30 juin 2022, n°21-20.127, Sté Odalys résidences c/ V ; Cour de cassation fr., 3ème ch. civ., 30 juin 2022, n°21-19.889, Sté Bourse de l’immobilier c/ Sté Lafran), rejetant avec fermeté, au passage tous les moyens soulevés par les locataires (exception d’inexécution, perte de la chose louée et force majeure).
Il y a fort à parier que ces décisions de la Cour de cassation française trouveront un écho tout particulier devant nos juridictions.
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